Une histoire de voitures d'occasion

Modifié par Edrn

Comme chacun le sait, une voiture achetée neuve et revendue d’occasion six mois plus tard se vend beaucoup moins cher (souvent 20 % de moins) qu’une voiture neuve. Or, la voiture ne s’est pas usée à hauteur de 20 %. Comment expliquer alors une telle baisse de prix ? George Akerlof apporte une réponse à cette question en utilisant l’exemple du marché des voitures d’occasion.

Un exemple célèbre de la façon dont les caractéristiques cachées peuvent aboutir à une défaillance de marché est en effet celui du marché des tacots (lemons, en anglais). En anglais, lemon est un mot d’argot qui désigne de la « camelote », ici une voiture d’occasion défectueuse. Appuyons-nous sur un exemple pour étudier le problème de « camelote » sur le marché des voitures d’occasion.

  • Chaque jour, dix propriétaires de voitures d’occasion envisagent de vendre la leur.
  • Les voitures diffèrent en qualité, que l’on mesure par la valeur réelle que le propriétaire attribue à sa voiture. La qualité va de 0 à 9 000 euros, par palier de 1 000 euros : il y a une voiture qui ne vaut rien car elle est en très mauvais état, mais son propriétaire, sachant que les acheteurs sont mal informés, tente tout de même de la vendre ; une deuxième voiture vaut 1 000 euros, une autre 2 000 euros, et ainsi de suite. La valeur moyenne réelle des voitures est donc de 4 500 euros (cette valeur moyenne est obtenue par le calcul suivant : (0 + 1 000 + 2 000 + 3 000 + 4 000 + 5 000 + 6 000 + 7 000 + 8 000 + 9 000) / 10 = 4 500 €).
  • Les propriétaires de voiture refusent de vendre leur voiture à un prix inférieur à la valeur qu’ils leur attribuent : par exemple, le propriétaire d’une voiture qui vaut 9 000 euros ne la vendra que s’il en obtient au moins ce prix.

Si la qualité de chaque voiture était connue des acheteurs, toutes les voitures se vendraient, sauf celle dont la valeur est nulle. Mais, en raison du manque de transparence, chaque jour les acheteurs potentiels ne disposent d’aucune information sur la qualité des voitures proposées à la vente. Ils ne connaissent que la valeur moyenne réelle des voitures vendues la veille. Ils se fixent alors un prix de réserve, c’est-à-dire le prix plafond (maximal) qu’ils sont disposés à payer : il équivaut, selon l’hypothèse d’Akerlof, à 1,5 fois la valeur moyenne réelle des voitures vendues.

Supposez maintenant que la valeur moyenne réelle des dix voitures vendues hier était de 4 500 euros : le prix maximal qu’un acheteur est prêt à payer aujourd’hui (que nous appellerons le jour J) sera de 1,5 x 4 500 € = 6 750 €.

  • Au début de la journée, chaque vendeur potentiel envisage de vendre sa voiture. Au prix de 6 750 euros, les propriétaires qui attribuent à leur voiture une valeur inférieure à 6 750 euros sont satisfaits.
  • Trois vendeurs, cependant, ne sont pas satisfaits : les propriétaires des voitures de meilleure qualité, qu’ils estiment à 7 000, 8 000 ou 9 000 euros, n’accepteront pas de les vendre.
  • Les sept voitures restantes seront vendues aujourd’hui au prix de 6 750 euros, alors que leur valeur moyenne réelle n’est finalement que de 3 000 euros.

Les économistes appellent sélection adverse ce type de processus, car le prix sur lequel les acheteurs s’appuient pour prendre leurs décisions les conduit à sélectionner les voitures de moindre qualité.

L’asymétrie d’information conduit en effet à exclure du marché les véhicules de bonne qualité au profit des voitures de moindre qualité. Ainsi, « les mauvais produits chassent les bons » : c’est parce que des véhicules de mauvaise qualité et des lemons sont présents sur le marché que le prix moyen proposé par les acheteurs est trop faible, conduisant les vendeurs de véhicules de bonne qualité à se retirer du marché.

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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